Ce mercredi 22 février 2023, j’ai été prise en otage.
En début de soirée, j’étais en route, au volant d’un brickade, pour livrer des piles de journaux dans la supérette de l’avenue Clinton. Arrivée à proximité, je constatai qu’elle n’était pas accessible en raison d’une opération de police en cours.
Je choisis alors d’aller à la supérette de North Rockford Drive (5016) pour réaliser ma livraison.
Aux alentours de 20h45, une fois posée dans l’arrière boutique, j’ai fait mon appel entreprise auprès du LSPD, pour leur indiquer où j’étais et pour combien de temps j’en avais à peu près.
Étant seule, au calme, et ayant un peu plus d’une demi-heure devant moi, je pris le parti de me plonger dans la suite de l’écriture d’un article au sujet de la récente affaire de la Commission Employés.
J’étais en train d’essayer de trouver les mots les plus justes pour expliquer à ma manière ce que “politisation” signifie - les yeux rivés sur mon dictionnaire, l’esprit tellement loin de ma livraison - quand j’ai vaguement entendu parler depuis la supérette.
Je ne compris pas tout de suite. Deux personnes masquées et armées surgirent devant moi, criant de lâcher mon téléphone et de lever les mains. La montée d’adrénaline a été si soudaine et violente… paralysée par la peur, je ne savais plus bouger, réfléchir ni parler tellement je tremblais.
La personne avec un masque de singe semblait être le leader de l’opération. Il m’a demandé mon nom et quel était mon travail. Il m’a dit ensuite de faire ce qu’il disait, sinon, je mourrais. Très vite, ils m’ont demandé de sortir de la supérette et de monter dans leur voiture.
J’eu juste le temps d’apercevoir les gyrophares d’un véhicule des Forces de l’Ordre assez proche de nous, avant que notre voiture parte en trombe pour semer la police à notre poursuite.
Sur le tableau de bord, l’horloge indiquait qu’il était 21h05.
Un peu énervé, le leader ne cessait de parler au téléphone et dans une radio à d’autres personnes qui devaient être ses complices. Tous se plaignaient qu’il y avait déjà plusieurs voitures de police et un hélico à leurs trousses, alors qu’ils n’avaient encore rien fait.
Une fois que nous nous sommes arrêtés - dans un lieu que je ne reconnaissais pas - l’homme au masque de singe m’a demandé si j’avais appelé à l’aide les Forces de l’Ordre. J’ai bredouillé que j’avais bien fait un “appel entreprise” en arrivant en livraison. Le pilote du véhicule, portant un masque à cornes, m’a ensuite demandé avec qui j’étais au téléphone. Je lui ai répondu que je n’y étais pas, absorbée que j’étais dans mon article.
Le leader de l’opération semblait vouloir discuter et petit à petit, j’ai réussi à me calmer. Mon cœur battait un peu moins la chamade, les tremblements s’étaient atténués.
Et ma curiosité de journaliste a repris le dessus. Je me suis donc risquée à poser une question : “Est-ce que votre action entre dans le cadre de la course aux sacs qui fait rage actuellement ?”.
Alors que le pilote au masque à cornes paraissait étonné, l’homme au masque de singe m’a répondu tranquillement : “Je ne peux pas dire s’il y a une course aux sacs, mais peut-être que quand la criminalité augmente, dire qu’il y en a une, c’est une façon de camoufler l’incompétence de la police ?”.
Dans le même souffle, il a très vite ajouté : “Vous savez, dans la vie, il y a deux types de gens : les vrais patriotes et - malheureusement - les autres.”
Puis notre conversation s’est soudainement arrêtée à cause d’un appel téléphonique pour la suite de l’organisation de leur action.
Il était 21h20, c’était le top départ. Le niveau de tension remonta en un instant. J’avais pour ordre de suivre le pilote dès qu’on sortirait du véhicule si je ne voulais pas me faire tirer dessus. À nouveau le stress m’envahit.
La voiture roulait vite, les ordres étaient expéditifs. Près de la Place des Cubes, on s’arrêta brutalement devant deux piétons. Mes ravisseurs sortirent, les pointèrent avec leurs armes et les forcèrent à les suivre. Je m'aperçus rapidement qu’il s’agissait de deux de mes collègues. On courra jusqu’à la banque. Dans la minute, deux autres braqueurs entrèrent à leur tour, accompagnés de deux nouveaux otages.
À ce moment-là, l’homme au masque de singe me prit à part des autres otages et m’indiqua que je devrais faire des bandeaux d’alerte à sa demande tout au long de l’action en cours, que ma vie en dépendait.
Pour cela, l’homme au masque à cornes me rendit mon téléphone en m’affirmant que si je le gardais en main plus que nécessaire pour les bandeaux, il m’abattrait.
La première annonce que j'ai eu à communiquer était claire : “Les Patriotes sont en train de braquer la banque”. L’homme au masque de singe semblait serein en donnant ainsi une information sur l'appartenance du groupe criminel en action.
Puis, au fur et à mesure des tractations avec les Forces de l’Ordre, toutes les cinq minutes environ, le leader du groupe - devenu négociateur - me dictait un nouveau message à publier.
Ces négociations consistaient essentiellement à obtenir de part et d’autres qu’aucun coup de feu ne soit tiré, que les otages soient libérés sans dommage en échange d’une route libre et la possibilité pour les criminels de faire une course-poursuite “dans les règles”.
Vers 21h50, un premier otage - l’un de mes collègues - était libéré contre le dégagement des herses de l’une des routes d’accès à la Place des Cubes.
Il devait être à peu près 22 heures quand les quatre braqueurs ont finalement pris la fuite, nous laissant dans la banque.
Nous avons alors été pris en charge par les Forces de l’Ordre puis par le LSES.
Au moment de faire les comptes, outre un coup de poing malheureux que l’homme au masque de singe m’avait donné par maladresse (et pour lequel il s’était largement excusé), seul l’un de mes collègues a souffert physiquement de ce braquage.
Pour ce qui est des conséquences morales et psychologiques… C’est non seulement un sujet délicat, mais c’est surtout inquantifiable. Seul le temps nous dira si nous en garderons quelques séquelles.
Jusqu’ici, tout va bien. Mais l’important, c’est pas la chute. C’est l’atterrissage.